Tel le Petit Chaperon rouge, je me suis laissée berner par le narcissique grand méchant loup des temps modernes.
‘’ Le Petit Chaperon rouge partit aussitôt pour aller chez sa mère-grand, qui demeurait dans un autre Village. En passant dans un bois elle rencontra compère le Loup, qui eut bien envie de la manger ; mais il n’osa pas, à cause de quelques Bûcherons qui étaient dans la Forêt. Il lui demanda où elle allait ; la pauvre enfant, qui ne savait pas qu’il est dangereux de s’arrêter à écouter un Loup, lui dit : je vais voir ma Mère-grand, et lui porter une galette, avec un petit pot de beurre, que ma mère lui envoie.’’
Dès nos premiers échanges, tu m’as analysée. Tu as rapidement saisi qui j’étais, ce qu’étaient mes forces et mes faiblesses, ce à quoi j’aspirais, mais surtout ce que je désirais d’un homme et d’une relation amoureuse. C’est ainsi que naïvement, je t’ai donné tout le pouvoir dont tu avais besoin pour me manipuler. Tu m’as caché ta vraie nature assez longtemps pour que je m’attache au personnage que tu avais créé, dans l’unique but de me plaire.
Tu t’es permis d’essuyer tes grosses pattes sales dans ma petite maison de paille, certes pas très solide à ce moment-là, mais néanmoins chaude et douillette. Certains de tes comportements me paraissaient parfois incompréhensibles et inconfortables, mais pas assez pour me douter de quoi que ce soit. En effet, tu étais très habile. Entre ces moments de confusion et de souffrance, tu me faisais sentir comme la plus merveilleuse des femmes. Puis, plus le temps s’écoulait et plus tu te permettais de souffler sournoisement sur chacun des petits brins de paille que j’avais, au préalable, minutieusement installés. Vint un temps où j’ai été forcée de quitter mon foyer qui était devenu, tranquillement, mais sûrement, l’antre du loup. Le cœur meurtri, mais encore lucide, je pris mon courage à deux mains pour me reconstruire un endroit où je me sentirais à l’abri. Je ne disposais pas d’un grand laps de temps pour solidifier les fondations parce que tu n’étais jamais bien loin, tu rôdais dans les parages, prêt à morde au moindre petit faux pas.
Malgré tout, j’ai réussi à me bâtir une jolie cabane tout en bois. J’avais pris soin d’installer de grandes planches coriaces, mais certaines d’entre elles étaient fissurées. Je n’ai pas eu le temps de les réparer avant que tu refasses surface pour de bon, mais je ne m’en faisais pas trop avec ça. Je ne m’en faisais pas parce que tu m’avais assuré qu’on les réparerait ensemble. On était une famille et après tout et les familles, ça s’entraide. C’est ainsi qu’encore une fois, tu regagnas ma confiance et par la même occasion la clé de ma porte.
‘’Mère-grand, que vous avez de grands bras ! C’est pour mieux t’embrasser, mon enfant.
Mère-grand, que vous avez de grandes oreilles ! C’est pour mieux t’écouter, mon enfant.
Mère-grand, que vous avez de grands yeux ! C’est pour mieux te voir, mon enfant.‘’
À peine ai-je eu le temps remercier le ciel d’avoir retrouvé celui qui m’avait tant manqué, cet être si doux et attentionné dont j’étais tombée amoureuse, que tu brisas vicieusement l’une de mes précieuses planches, d’un grand coup de griffe. Cette fois, je n’ai pas eu le courage de m’enfuir, ça me demandait trop d’énergie et de toute façon tu trouvais toujours le moyen de me faire rester. Alors, je suis restée. Planche après planche, je regardais tous mes efforts s’effondrer les uns après les autres. Je criais à l’injustice, sans être entendue et je pleurais de colère sans être consolée.
Je me suis accrochée de toutes mes forces à cette dernière planche, j’ai tant espéré qu’elle reste debout. Si elle restait debout, il resterait encore une chance que ça fonctionne, encore une chance que tu réalises que nous pouvions tout reconstruire ensemble. Coup de grâce, elle tomba elle aussi et cette fois, je me suis écrasée violemment au sol avec elle. J’y suis restée longtemps et j’ai fixé cette planche pendant des jours, pendant des semaines. J’y ai vu des crevasses, des trous, des fissures et je me disais qu’elle était fichue, qu’il valait mieux que je l’abandonne à son sort. De toute façon, elle ne valait plus grand-chose maintenant.
Juste avant de déclarer forfait, une main s’est tendue vers moi. Une main familière et rassurante. Une main qui m’extirpa de ce tas de planches noires, froides et inanimées qui ressemblait étrangement à ce fond de baril dont on me parlait parfois. En regardant autour de moi, j’aperçus des visages souriants et compatissants qui m’attendaient les bras grands ouverts. C’est à ce moment que j’ai réalisé que j’étais vraiment bien entourée. La bienveillance de mes proches m’a aidée à me relever et c’est ainsi que j’ai trouvé la force de me reconstruire, pour une dernière fois, le plus solide des refuges qui existent en ce monde.
À toi mon grand méchant loup, brique par brique j’ai repris le pouvoir sur mon existence et je vis maintenant fièrement dans une indestructible forteresse. Sache que je me suis enfin libérée de ton emprise et que tu ne m’atteindras plus jamais.
Tu penses être victime de violence psychologique ? Tu n'es pas seul(e).
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